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Frases

 

 

"Después de todo,
el cine es el único sueño
que se tiene con los ojos abiertos"

Eliseo Subiela

 

 

"El hecho simple de

que mi perro me quiera más

que yo a él, constituye una

realidad tan innegable, que,

cada vez que pienso en ella,

me avergüenzo.


El perro está siempre

dispuesto a dar su vida por mí.


Si yo hubiera sido atacado

por un león o un tigre,
Ali, Bully, Tito, Staci y todos

los demás habrían afrontado

la desigual batalla,

sin titubear ni un instante,

para defender mi vida,

aunque sólo hubiera sido

por unos momentos.
¿ Y yo? "

Konrad Lorenz
Premio Nobel de Medicina 1973

 

 

"A fuerza de ver películas

y de amarlas
se tiene el deseo de realizarlas.


Ya no se va a la sala por azar,
sino con la voluntad de hacer cine"

François Truffaut

 

 

 

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 12:47

Universidad-de-Cartagena.jpg

 

Nicolás ROMÁN BORRÉ

Réalisateur, ciné-clubiste et membre de CIN-CO « Cinéma et Coopération »

 

Traduction : Maurice AUDIBERT

 

C'est un point assuré plein d'admiration,

que le haut et le bas sont une même chose.

Hermès Trismégiste

 

Tout animateur de ciné-clubs qui se respecte s'est risqué un jour ou l'autre dans une rétrospective téméraire du cinéma muet hongrois, soviétique, japonais ou étatsunien. Peut-être les affiches annonçaient-elles Berlin Alexanderplatz de Fassbinder sans coupe ni repos, ou la projection de l'une des interminables œuvres filmiques d'Andy Warhol.

 

Le plus probable était que la lampe du vieux projecteur Eiki brûlait au beau milieu de la projection, mais que nous fîmes discrètement le nécessaire pour continuer en dépit des ronflements du monsieur qui vient toujours dormir au ciné-club ou de l'absence de spectateurs.

 

Dans ce dernier cas, que devons-nous faire si la salle est vide ? Éteindre le matériel ? Allumer la lumière de la salle ? Ou attendre que quelqu'un de plus se décide à venir ? Et s'il n'y a personne au début de la séance, on ne projette pas le film ?

 

Je sais qu'en cet instant même, quelques uns de mes lecteurs sont en train de sourire. Ils se sont en effet trouvés eux aussi confrontés au même dilemme éthique : annuler une séance. Nous sommes entièrement d'accord : même si l'objectif n'est pas de remplir la salle -l'essentiel étant l'éducation du spectateur à travers les classiques ou les œuvres contemporaines novatrices-, il n'est pas agréable de se retrouver face à une salle qui renvoie l'écho de nos pas.

 

Je me souviens de la première fois où je me suis posé cette question. Ce jour-là, nous présentions Naissance d'une nation de David Wark Griffith et le film terminé, il n'y avait personne autour de moi. Pour être sincère, un sentiment de déception me saisit, voire de tristesse au vu des gros efforts consentis pour présenter ce film dont la copie nous était arrivée directement de New York.

 

Je ne comprenais pas, il s'agissait de quelque chose de monumental, il y eut même un long article dans la presse locale. Nous avions collé des affiches dans toutes les universités, le signataire de ces lignes s'était fendu d'une super présentation digne de Cicéron... et pourtant pas un seul spectateur ne semblait tenir le coup jusqu'à la fin. Je les voyais un à un défiler dans la pénombre, ils fuyaient comme s'il s'était agi d'une chose horrible. Mais je ne perdis pas espoir, car au fond de la salle, deux personnes présentes paraissaient avoir compris l'importance historique du film.

 

Mais que non, je m'étais trompé ! Ces deux personnes disparurent, je ne vis finalement plus personne, j'étais seul dans la salle. La question de savoir si cela valait la peine de terminer un cycle de cinéma dans ces conditions me tournait dans la tête... lorsque je sentis tout à coup une main se poser amicalement sur mon épaule et que j'entendis un mélodieux « Merci pour la projection ». Plein d'espoir, je levai les yeux pour voir mon interlocuteur, et rien. Je regardai à droite, à gauche, je courus jusqu'à l'allée et rien, personne. Un profond silence avait envahi l'amphi et j'eus la chair de poule, le cœur battant à se rompre, bref j'étais mort de peur !

 

Aujourd'hui, je ne me souviens pas avoir rangé le matériel ou éteint les lumières cette nuit-là. Tout ce que je sais c'est qu'en un rien de temps après, je marchais dans les rues pour rentrer chez moi, souriant comme un idiot à tous les passants inconnus auxquels je me cognais.

 

Les semaines s'écoulèrent; je me disais que j'avais inventé ce qui s'était passé, que j'avais tout imaginé, en définitive que tout était absolument irréel. Je n'en parlai à personne -surtout pour éviter le ridicule- et tentai de vivre tranquillement, me consacrant à ma vie quotidienne. Mais la paix ne dura qu'un court moment, jusqu'à ce que notre ciné-club organise une programmation sur le cinéma des années 90 dans l'auditorium de l'Université de Carthagène.

 

Étant le responsable des séances, il me fallait vérifier une heure avant chaque projection que tout était en ordre, faire les essais de son, baisser le rideau, allumer le projecteur, photocopier le programme, etc. En entrant par la porte de service, je fus surpris de voir que quelques spectateurs se trouvaient déjà là, mais ne leur prêtai pas autrement attention. Puis, je branchai le matériel et soudain cette pensée me vint : comment était-ce possible qu'il y ait du public puisqu'il n'était pas encore l'heure et qu'en outre, j'avais dans ma poche les clés de la salle ? Je tournai donc le visage vers l'assistance et me trouvai alors face au vide.

 

Mon visage prit la pâleur du carrelage de l'auditorium* et mes mains devinrent moites... mais je ne bougeai pas. Je demeurai immobile comme lorsque je jouais, enfant, à la statue. Cette fois-ci, je n'étais pas mort de peur, j'étais plutôt pétrifié ! Et si la première fois, j'étais épuisé, s'il était tard, si le film à cause de son rythme était compliqué à assimiler, je n'avais maintenant aucune excuse : douché, frais, bien éveillé et absolument conscient.

 

Les minutes passèrent et j'étais toujours rigide. J'espérais qu'un camarade du ciné-club vînt à mon secours. Mais rien, de nouveau personne à coté de moi, j'oubliai jusqu'à mon nom. Peu à peu le calme revint, mes joues retrouvèrent leur couleur, mes muscles leur activité, mon cerveau se remit en marche et j'en profitai pour sortir précipitamment respirer l'oxygène marin et humide de Carthagène des Indes, stimulant avec ses senteurs de mer.

 

J'essayais de mettre les choses en perspective. Je me disais à moi même que j'avais halluciné tout simplement, qu'il s'agissait peut-être d'un problème freudien non résolu lors de ma prime enfance, de quelques neurones paresseux qui envoyaient messages et codes erronés. Bref, je pris la décision de ne pas entrer dans la salle jusqu'à l'arrivée d'un collègue, mais mes réflexions furent interrompues par une voix qui susurra : « N'aies pas peur, nous sommes venus voir le film ».

 

Ayant étudié la médecine légale et la psychiatrie, et reconnaissant que j'entendais des voix, je compris qu'il y avait vraiment un problème. Mon subconscient répétait sans arrêt : « C'est grave, mon vieux ! ». Cependant, mon auto-analyse perdit tout caractère rationnel lorsque j'entendis de nouveau ces compagnons immatériels me disant : « Tranquillise toi, nous sommes cinéphiles ».

 

Le mot magique fut prononcé au bon moment : « cinéphiles »... c'est à dire qu'ils étaient des esprits amoureux du cinéma comme moi, la différence étant qu'ils étaient d'une autre dimension. La chose me sembla plus cohérente, plus logique, plus rassurante : ils ne venaient pas assister à ma mort ni régler des comptes. Et la panique disparut, comme leurs visages vaporeux.

 

Les années passèrent, les cycles continuèrent à se succéder, comme les institutions qui nous hébergeaient : la Maison d'Espagne, le Club Vlad, la salle de conférences de la Faculté de Droit, le Musée Naval des Caraïbes, le Musée d'Art Moderne, l'École des Beaux Arts, le Quiebracanto, l'Université Jorge Tadeo Lozano, l'Alliance Colombo Française, le Château-Fort de San Felipe, plusieurs Théâtres et Centres Culturels, l'Université Libre, les places de la vieille ville, ainsi qu'une liste variée de quartiers populaires. Nous créâmes un groupuscule subversif de l'image qui affrontait avec toutes les armes idéologiques du Tiers-Monde l'empire asservissant du cinéma commercial. Documentaires, cinéma classique, tests d'endurance cinéphile avec des films impossibles, des travaux expérimentaux, des conférences, des forums, des tables rondes, des articles, des bulletins, des chroniques et jusqu'à des lectures de poésie firent partie de nos activités.

 

Voilà pourquoi maintenant, lorsque la valeur de l'activité des ciné-clubs est mise en question à cause du manque de public, je crois nécessaire de souligner que notre travail va au-delà -au sens littéral et métaphorique !- de la salle où nous projetons ou discutons une œuvre. En tous ces lieux, peu importe le titre du film, la simplicité et la vétusté du matériel, les connaissances sur le film à présenter, Ils nous accompagnent toujours dans notre combat. Eux, les cinéphiles inconditionnels de l'autre monde.

 

 

 

 

*L'auditorium de l'Université de Carthagène est uniformément recouvert d'une couleur ocre, des rideaux aux sièges en passant par le carrelage, lui conférant une persistante ambiance psychédélique. Ce lieu est rempli d'histoires sur les êtres qui circulent dans ses allées. Lorsqu'on parle avec les veilleurs de nuit, diverses anecdotes de ce genre apparaissent autour de l'auditorium. 

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ArtÍCulos